Votre recherche : transposition didactique

Enseigner la littérature: une approche par les justifications (XIXe-XXIe siècles)



La littérature, quelle que soit la conception qu’on en a — c’est-à-dire: quelle qu’en soit la théorisation (plus ou moins explicite, cohérente et rigoureuse) dans laquelle on la pense — présente des caractéristiques en partie différentes, selon qu’on l’appréhende comme objet de recherche ou comme objet d’enseignement. L’étude de la littérature, dans la recherche, vise à produire des connaissances et à renouveler des savoirs; l’étude de la littérature, dans un enseignement, s’attache notamment à transmettre ces savoirs — dûment simplifiés, remaniés, opérationnalisés, pour ainsi dire {{C’est ce qu’on appelle en didactique le processus de transposition (voir Verret, 1975; Chevallard, 1985; Martinand, 1985, sur les «pratiques sociales de référence»; Schneuwly, 1995; Bronckart et Plazaola Giger, 1998; et, pour la littérature: Poslaniec, 1992, 164-165; Petitjean, 1998; Denizot, 2013; Gabathuler, 2016, 69-95).}} — à des élèves ou des étudiants qui les apprennent — qui les découvrent, certes, mais en un autre sens que les chercheurs.

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Recension : Baroni Raphaël (2017), "Les Rouages de l’intrigue"



Raphaël Baroni a fait le choix de s’inscrire dans la tradition – aussi glorieuse que délaissée – des théoriciens de la littérature qui conjuguent un intérêt pour de nouvelles formes d’approches du texte littéraire et pour les processus de leur enseignement.

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Entre dialogue et contraintes : interroger les liens entre divers champs de réalisation de la didactique



 Vouloir interroger « les modalités de circulation des savoirs entre la recherche et les pratiques enseignantes », objectif des dix-neuvièmes rencontres des chercheur·e·s en didactique de la littérature et du présent dossier qui en est issu, relève d’une intention dont peu d’acteurs ou d’actrices de ce champ contesteront la pertinence – sans qu’aucun·e, assurément, ne suppose que cette question soit neuve. De même que « la question de savoir si la philosophie peut devenir pratique est aussi ancienne que la philosophie » (Habermas 2008 : 487), de même que les sciences humaines et sociales sont, depuis leur constitution au XIXe siècle, confrontées à « la problématique de l’intervention » (Bronckart 2001 : 133), de même on peut aisément dire qu’il n’y a pas eu d’époque où le problème des relations entre recherche et pratique dans le domaine de l’éducation n’ait pas été posée, en général d’ailleurs d’une manière négative – des deux côtés. Comme le dit Huberman (1992 : 69) :

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La bande dessinée dans les classes de littérature: entre prescription et pratique



Si les vertus pédagogiques de la bande dessinée sont depuis longtemps reconnues par les milieux de l’éducation, les rapports entre le neuvième art et l’institution scolaire demeurent à ce jour problématiques. À l’intersection de différentes disciplines, dépourvue d’un corpus canonique consensuel et sous-représentée dans la formation des enseignants, la bande dessinée reste «le parent pauvre» (Rouvière 2012: 10) des programmes scolaires, alors même que son utilisation est attestée dans la pratique. Cet article propose de dresser l’historique de la place que le média occupe dans les prescriptions de l’Éducation nationale française depuis les années 1950, en particulier dans le lien qu’il entretient avec l’enseignement littéraire, afin d’éclairer les raisons de l’écart qui subsiste entre sa reconnaissance institutionnelle et sa présence effective dans les classes de littérature.

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La lecture dialectique de bandes dessinées historiques: étude de treize parcours de lecture



Dans cet article, nous nous intéresserons aux qualités multimodales et narratives (temporalité, stéréotypie, hypermédia) qui font de la bande dessinée (BD) un véritable prototype multimodal du récit. Dans ce sens, il nous apparaît évident que la BD a droit de cité à l’école au même titre que toute autre forme scolaire de narration. Une première partie, d’orientation épistémologique, mettra en évidence les composantes plurisémiotiques – multimodales – des récits graphiques, puis nous reviendrons sur les questions relatives à la temporalité narrative (Baroni 2010; Ricœur; 1984) et à la stéréotypie (Dufays 2010) pour en définir la littérarité (par exemple historique) (Boutin & Martel 2018; Louichon 2016).

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Décrire et interpréter l’architecture graphique des bandes dessinées: Léna mise en page



Sur la base de l’analyse de l’organisation des planches que l’on rencontre au fil de l’album Le Long Voyage de Léna de Pierre Christin et André Juillard, cet article visera à montrer comment il est possible de décrire et d’interpréter l’architecture des planches d’un récit graphique{{Cette réflexion a été développée dans le cadre du projet Sinergia «Reconfiguring Comics in our Digital Era», financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS: CRSII5_180359).

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Témoignage de Jean Michel Adam et de Françoise Revaz



Sollicitée dans le cadre du projet «Pour une théorie du récit au service de l’enseignement», qui a pour objectif de « questionner les usages et l’ergonomie de la boîte à outils narratologique pour l’enseignement de la littérature aux degrés du secondaire I et II dans quatre pays francophones : la France, la Suisse, la Belgique et le Québec », je tiens d’emblée à préciser que mon expérience d’enseignement, de formation et de recherche autour du récit est ancrée dans ma fonction d’enseignante dans les degrés primaires de l’école publique genevoise, dans les années 1970-1980, au moment de la rénovation de l’enseignement du français dans les classes romandes.

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Nous amorcerons notre diachronie par l’examen d’une phase qui, si elle se situe dans la préhistoire des emprunts et usages aux théories textuelles et narratologiques, fournit néanmoins, pour cette raison même, un utile éclairage sur les raisons pour lesquelles ces emprunts se sont avérés utiles ou nécessaires. Nous remonterons à la publication, en France, du Plan Rouchette, qui a constitué le déclencheur des démarches d’adaptation/modernisation des programmes et méthodes didactiques, requises d’un côté par la volonté politique de démocratisation de l’enseignement et d’un autre par un souci de mise à jour ou de modernisation des méthodes pédagogiques et des références théoriques, en particulier linguistiques.

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Au tournant des années 1960-1970, en même temps que paraissaient les premiers ouvrages des fondateurs de la narratologie française (Barthes, Genette, Todorov, Greimas, etc.) ou les traductions en français des précurseurs russes (Propp, Bakhtine, Chklovski, Tomachevski…),  en même temps que se répandait, au sein du corps professoral, l’esprit de contestation de la tradition académique et pédagogique qui avait contribué à la flambée de mai 1968, s’opérait, en Belgique francophone, une rénovation des programmes de l’enseignement obligatoire liée à une réforme des structures scolaires dont l’objectif était, dans une conjoncture socio-économique encore favorable (nous sommes à la fin des Trente glorieuses), de mettre fin à une répartition précoce des élèves dans les formes d’enseignement générale, technique et professionnelle et de permettre à l’École de jouer pleinement son rôle d’ascenseur social.

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Il me semble qu’il a d’abord fallu que certains enseignants s’emparent de ces nouveaux contenus en relation avec des cours suivis dans les universités où quelques professeurs (très minoritaires) abordaient ces questions, notamment dans les départements de lettres et de sciences du langage. Cela n’avait rien d’évident tant cela s’opposait à la doxa commentative dominante dans les universités (une sorte de mixte entre vulgates psychologique et historique) et à la tradition de l’enseignement du français.

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D’après moi, l’entrée de la narratologie dans la classe de français s’est faite surtout par l’entremise de publications auxquelles ont été initiés les étudiants et les enseignants dans les diverses instances de formation pédagogique (universités, instituts, colloques, journées de perfectionnement, etc.). On peut distinguer différentes catégories de publications qui ont contribué à l’utilisation des théories du récit dans l’enseignement. D’abord les ouvrages de narratologie proprement dits portant sur les structures du récit, ceux des théoriciens comme Propp (1928, trad. 1970), Greimas (1966), Genette (1972) ou Larivaille (1974) et ceux d’introduction générale comme les synthèses d’Adam (1984) ou de Reuter (1997).

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Votre question me donne l’occasion d’opérer un regard rétrospectif sur une partie de ma carrière professionnelle en tant qu’enseignant du secondaire, puis Professeur des universités, jusqu’à mon Éméritat présent. Je pense que j’ai contribué à la diffusion des théories du récit par mes propres publications (http://andre-petitjean.fr/), au travers de mes cours, de mes directions de thèse, de l’organisation de séminaires et de colloques ou des stages de formation des enseignants que j’ai animés tant en France qu’en Belgique ou en Suisse.

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La narratologie scolaire, objet de descriptions et de critiques



Si l’on prend acte, à la suite de Baroni, de la décadence sur le plan académique de «l’empire de la narratologie» après une période faste dans la deuxième moitié du XXe siècle, et si l’on s’étonne avec lui du « contraste entre l’ampleur du ‘‘tournant narratif’’ et la place relativement dérisoire occupée par la ‘’théorie du récit’’ au sein des institutions académiques » (2016: 226), un fait reste néanmoins avéré : la narratologie figure encore dans les programmes et les plans d’étude, dans les manuels scolaires, dans des articles de recherche en didactique{{Cf. Dufays, Lisse & Meurée (2009), encore récemment Dezutter, Babin & Lépine (2020).}}.


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En 1974, l’éditorial du premier numéro de Pratiques (1974: 4) regrettait «l’ascientificité dans l’enseignement […] de la littérature»:

L’enseignement de la littérature passe par la méconnaissance de son objet et se réduit à être une transmission de valeurs morales et esthétiques de la classe dominante (les manuels imposent une lecture fondée sur la psychologie «abstraite» et sur la transparence des textes).

Il s’agissait donc, poursuivait l’éditorial, de «substitu[er] au bavardage esthético-psychologico-moral un enseignement réglé sur un ensemble de références théoriques». La liste de ces références théoriques (et leur ordre) donne la ligne de la nouvelle revue: «matérialisme historique, linguistique et sémiologie, psychanalyse, enfin logique dialectique qui permet de lier les différents apports». Le programme, on le voit, était vaste.

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Synthèse des entretiens avec quelques témoins de la scolarisation des théories du récit



C’est lors d’une réunion de la petite équipe DiNarr (acronyme pour didactique et narratologie), dans les débuts du projet Pour une théorie du récit au service de l’enseignement, qu’a émergé l’idée d’aller collecter les témoignages de celles et ceux qui avaient pu contribuer au processus de scolarisation de la narratologie ou du moins en être les témoins privilégiés. En effet, les personnes que nous avons sollicité ont participé aux premiers numéros des revues qui se créaient dans ce moment particulier des années 1960‑70 (Pratiques, Repères, Le Français aujourd’hui…) et certaines d’entre elles ont été à l’origine d’ouvrages de synthèse maintes fois réédités à destination plus ou moins directe du corps enseignant. 

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Comment un théoricien du récit pourrait-il contribuer à améliorer l’outillage narratologique scolarisé?



En tant que narratologue travaillant en contexte académique, je suis arrivé il y a quelques années à un point où il m’a semblé légitime, et même nécessaire, de me pencher sur l’utilité des notions théoriques élaborées et débattues dans mon domaine de recherche{{Cet article s’inscrit dans le projet «Pour une théorie du récit au service de l’enseignement» financé par le fonds national suisse (FNS n° 197612). Le groupe DiNarr, qui pilote ce projet, est dirigé par Raphaël Baroni et réunit également Vanessa Depallens, Luc Mahieu, Fiona Moreno et Gaspard Turin. Ce projet se fonde sur une enquête de terrain visant à cartographier les usages déclarés de la narratologie dans l’enseignement du français comme langue de scolarisation. Il vise également la création d’un site de ressources en ligne visant à faire évoluer l’outillage narratologique en répondant aux besoins des enseignants. Le projet inclut la collaboration de plusieurs partenaires dans le domaine de la didactique, dont plusieurs ont participé à ce numéro: Jean-François Boutin, Vincent Capt, Bertrand Daunay, Jérôme David, Nathalie Denizot, Jean-Louis Dufays et Chloé Gabathuler}}.

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Du scepticisme à l’optimisme: penser les contenus d’enseignement



En 1977, dans son ouvrage sur l’histoire de la grammaire scolaire au XIXe siècle, qui faisait suite à sa thèse, André Chervel consacrait un court dernier chapitre (p. 255-274) à «la grammaire scolaire depuis un siècle», qu’il concluait par une petite section (de quatre pages) sur «la grammaire dite “moderne”». Voici ce qu’on peut lire, à la toute fin de cette section(p. 273):

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