La revue Transpositio a pour ambition d’instituer, en ligne, un espace collectif de recherche sur l’enseignement de la littérature
— à la croisée des études littéraires, des approches didactiques de la littérature et des pratiques enseignantes.
L’enseignement de la littérature est depuis une vingtaine d’années l’objet d’une réflexion considérable. Aux enseignants, dont la plupart ont toujours interrogé leurs propres pratiques, se sont ajoutés les didacticiens et, plus récemment encore, de nombreux chercheurs en études littéraires. Cet effort commun répond à une période de réformes importantes des institutions de formation qui, pour n’être pas inédite dans l’histoire, n’en demeure pas moins exceptionnelle par son ampleur. L’enseignement de la littérature, dans ce contexte, voit ses finalités et ses formats soumis à discussion, ses critères de légitimité redéfinis, son adéquation au présent relancée.
Les réflexions ayant trait à l’enseignement de la littérature sont cependant menées en ordre dispersé. Cette situation porte préjudice à l’enseignement de la littérature, parce qu’elle fragmente le champ d’expérience d’où pourraient surgir des constats partagés et des propositions inédites. Transpositio souhaite répondre à ce fractionnement.
Le titre même de la revue vaut programme. La transposition renvoie à l’opération musicale qui consiste à adapter une partition aux possibilités effectives d’un instrument donné. La métaphore a séduit les sociologues de l’enseignement avant de devenir un concept familier des didacticiens, dont l’usage leur permet l’analyse rigoureuse du transfert de savoirs extérieurs à l’institution scolaire dans l’enseignement. Dans son acception antique, toutefois, la transpositio désignait d’abord chez les grammairiens une interversion de deux lettres au sein d’un mot, sans effet sur la compréhension de son sens. L’étymologie livre donc cette sagesse: un alphabet commun autoriserait les divergences en limitant les malentendus.
Transpositio se caractérise notamment par une composante historique forte. Le détour par la longue durée est crucial: notre époque est en effet confrontée à des inquiétudes et à des défis dont on retrouve des exemples dans le passé, à cette différence près que les ressources mobilisées pour y répondre ne furent pas les mêmes que les nôtres et qu’il nous est maintenant possible, avec le recul, d’évaluer les effets des options alors privilégiées. L’histoire est également riche de modèles alternatifs de coopération entre chercheurs et enseignants dont nous gagnerions peut-être à nous inspirer. Ces archives constituent en somme, pour nous, un immense laboratoire d’expérimentations pédagogiques susceptibles d’être reconsidérées à l’aune de nos exigences contemporaines.
L’orientation de la revue est, en outre, résolument théorique. C’est à nos yeux la condition d’une mise en commun de résultats ou d’hypothèses issus de terrains empiriques et d’horizons intellectuels très variés. L’explicitation des présupposés du raisonnement et la montée en généralité des arguments favoriseront ainsi les échanges, puisque les cas étudiés seront présentés sous une forme qui les rendra plus aisément comparables. Il ne s’agira toutefois pas tant de débattre de partis pris théoriques particuliers, dans une sorte de complaisance polémique ou d’abandon à l’épistémologie, que d’approfondir la connaissance que nous avons de l’enseignement de la littérature, c’est-à-dire tout à la fois des cadres effectifs de l’enseignement et des usages possibles de la littérature à l’école ou à l’université.
Les styles de raisonnement varient d’une discipline à l’autre, d’un domaine de pratiques à l’autre; l’ancrage empirique et les modes de conceptualisation diffèrent parfois grandement. Mais le dogmatisme, en matière de lexique, de méthode ou de bibliographie, ne nous paraît pas fécond sur une question aussi complexe que celle de l’enseignement. Une telle variété n’est pas une menace, à nos yeux, car nous l’envisageons comme une variation.
Les différentes rubriques de Transpositio déclinent notre projet intellectuel dans les formats les plus propices à la réflexion collective.
Les «dossiers» abordent chacun une problématique majeure de l’enseignement contemporain de la littérature. Alimentés par des contributions régulièrement mises en ligne, ils ont cet aspect dynamique et évolutif que permet la publication sur support électronique. L’échange y prend la forme d’un «fil d’actualité scientifique» comparable aux mises à jour des contenus sur les réseaux sociaux.
Les «traductions» ouvrent un dialogue avec des traditions souvent ignorées dans le monde francophone. En Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis ou en Italie, pour ne prendre que ces exemples évidents, il existe en effet des recherches souvent passionnantes, et parfois pionnières, dont l’intérêt pour les travaux de langue française sur l’enseignement de la littérature gagnerait à être souligné.
Les «archives» proposent une revisite de textes du passé. Des manuels, des règlements, des articles scientifiques, des témoignages — autant de documents choisis pour leur puissance d’évocation ou de décentrement: comment enseignait-on jadis? Les surprises ne manquent pas et donnent encore à penser de nos jours.
Comment enseigne-t-on aujourd’hui? Une rubrique en offre des aperçus à partir d’activités concrètes menées par des enseignants dans leurs classes. Intitulée «Comment ça s’enseigne», elle est à mi-chemin entre le témoignage et l’analyse, le récit de terrain et la théorisation réflexive. Nous la concevons comme un répertoire de pratiques possibles, une occasion de partage et de discussion. Elle accueillera tout retour d’expériences à la fois audacieuses et précisément documentées.
Dans «conversations critiques» nous dialoguerons avec des chercheurs ayant publié des travaux significatifs sur l’enseignement de la littérature. Des entretiens alterneront avec des notes de synthèse sur des débats récents.
Transpositio, enfin, est une revue en ligne. Nous devons en prendre la mesure. Aussi aimerions-nous réunir autour de ce projet intellectuel une «communauté» francophone active par le biais des réseaux sociaux. La temporalité de la réflexion change d’autant: au temps long des numéros composés de plusieurs contributions scientifiques s’ajouteront les ajouts réguliers d’interventions ultérieures — dans une sorte de suivi des dossiers thématiques — et le cycle court et parfois fugace des billets sur Facebook. Les échanges sur les réseaux signaleront, commenteront et, nous l’espérons, susciteront dans certains cas les articles de la revue. Autrement dit, cette revue est aussi la vôtre.
Le comité de rédaction